Monsieur le président, chers collègues,

je voudrais également commencer mon exposé en remerciant l’ensemble des personnes qui ont participé à l’élaboration de cette proposition de loi. Je ne vais pas les nommer, M. Laaouej l’ayant déjà fait.

Je ne reviendrai pas non plus sur le développement juridique de la proposition de loi ni sur les conditions nécessaires au juge à la qualification d’un fonds vautour. Je pense que celles-ci sont clairement exprimées dans la proposition. Elles viennent en plus d’être suffisamment développées par mes collègues M. Laaouej et Mme Wouters.

Il me semble cependant important de préciser l’équilibre que nous avons voulu rechercher, l’établissement de critères suffisamment larges pour éviter un contournement aisé de la loi par les fonds vautours, tout en s’appuyant sur la notion d’abus de bien, notion connue et appliquée par les juges belges.

Je souhaite aussi exprimer à titre personnel, mais aussi au nom du MR, mon extrême satisfaction que l’ensemble des groupes démocratiques aient pu se réunir autour d’un objectif commun. La lutte contre l’action des fonds vautours, de certains fonds qui spéculent sur la dette souveraine, profitant de la faiblesse de l’économie de certains États, est manifestement une préoccupation de l’ensemble de cette assemblée et il faut le souligner

Cette prise de position forte et sans équivoque face au caractère immoral et illégitime de l’action de ces fonds marque la volonté du MR, de ce gouvernement, mais surtout de cette assemblée dans son entièreté de lutter pour une finance juste et éthique au service de tous.

Avec cette loi, l’exécution des saisies au bénéfice des fonds vautours ne sera plus possible en Belgique. Nous espérons que cette initiative servira de modèle aux autres pays. Ce n’est qu’en combinant nos forces au niveau international, comme nous le faisons à la Chambre, que nous pourrons lutter efficacement contre ces pratiques inacceptables. Notre volonté est bien d’éviter que ces fonds ne fassent leur nid un peu partout, et pour commencer, en Belgique.

Il est vrai que l’action des fonds vautours n’est pas concentrée sur notre territoire, mais elle n’en constitue pas moins une réalité. Je vous rappelle la saisie conservatoire par le fonds d’investissement NML, rappelée par M. Laaouej, des comptes de l’ambassade d’Argentine au lendemain de la présentation à la presse de notre proposition de loi. S’il est vrai que les montants impliqués sont dans ce cas-là minimes par rapport à la problématique des fonds vautours considérée au niveau mondial, cette tentative d’intimidation démontre, s’il le fallait encore, la volonté inextinguible de ces fonds d’arriver à leurs fins.

Comme je l’ai dit, la proposition vise à compléter le dispositif belge. En effet, la loi du 6 avril 2008 empêche déjà la saisie ou la cession des fonds publics destinés à la coopération internationale. Nous savons aussi, puisque cela faisait l’objet d’une question en séance plénière, que les ministres des Affaires étrangères et de la Justice travaillent en ce moment à la ratification de la Convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens. Cette ratification constituera un nouvel obstacle à l’action des fonds vautours.

Nous pouvons aussi évoquer l’obligation, depuis 2013, de l’insertion dans toute nouvelle émission de dette souveraine d’un État de la zone euro, d’une clause d’action collective. Celle-ci impose à tous les créanciers le résultat d’une restructuration de dette souveraine si une majorité définie a pu se dégager en ce sens.

Les fonds vautours ayant souvent comme particularité de refuser toute restructuration, et même de profiter de celle-ci pour réclamer davantage, se voient ainsi fortement gênés dans leur action. Il importe donc aux États émetteurs hors eurozone de suivre le même chemin, empruntant sous cette réserve afin de se prémunir au maximum de l’action de ces fonds en cas de restructuration inévitable.

Malgré ces différentes avancées, vu la complexité des dispositifs ainsi que les disparités internationales, et étant donné la volonté inébranlable de certains fonds, leur action – bien qu’entravée – n’est toutefois pas arrêtée. Seule une initiative européenne et/ou internationale pourra réellement se montrer efficace. C’est pourquoi nous l’appelons de nos vœux.

Bien entendu, cette demande ne doit pas empêcher les parlements nationaux, et le nôtre en l’occurrence, de légiférer. En effet, si cette proposition de loi ne résout pas le problème en entier, au-delà du message fort qu’elle délivre, elle gêne l’action éventuelle des fonds sur notre territoire.

Cette initiative étant unique, il reviendra aux autres pays de saisir l’exemple belge et d’en adapter les termes en fonction de leur propre impératif, mais aussi des leçons apprises par la mise en application de cette loi.

Il importe que le marché secondaire des dettes souveraines ne soit pas perturbé, afin d’assurer aux États emprunteurs une véritable capacité à emprunter. Les créanciers classiques doivent pouvoir continuer à être rémunérés en fonction de leur prise de risque. Cette capacité est vitale pour les États emprunteurs. En effet, sans créanciers, pas de financement de dette.

Ensuite, il est clair que cette proposition de loi ne vise pas les fonds classiques agissant sur le marché secondaire, mais ceux qui poursuivent un avantage illégitime, lequel devra, le cas échéant, être apprécié par le juge.

De même, il ne s’agit pas non plus de demander aux banques et intermédiaires financiers de se substituer aux juges. En effet, aucune obligation nouvelle n’est imposée à ces derniers. Un contrôle systématique et proactif par les banques et intermédiaires n’est pas envisageable tant pour des raisons opérationnelles que juridiques. Ceci a clairement été confirmé lors de nos travaux parlementaires.

Pour terminer, je souhaite aussi évoquer un article du Vif l’Express de ce jour consacré à un litige porté devant le tribunal de commerce de Bruxelles. Ce litige oppose créanciers, banques et opérateurs dans le règlement de la dette argentine. Les différents éléments de ce dossier démontrent encore l’extrême complexité des dispositifs présents. Le prononcé de ce jugement influencera sans aucun doute les stratégies mises en place tant par les fonds vautours que celles mises en place pour les combattre.

En conclusion, soutenue par l’ensemble des partis politiques démocratiques, cette proposition témoigne de la ferme volonté des signataires d’agir de manière claire et significative contre l’action immorale de certains spéculateurs, qui profitent de la fragilité économique des pays débiteurs pour s’enrichir au détriment des populations locales. Je vous confirme donc que l’ensemble de mon groupe votera avec conviction cette proposition de loi.