Réponse aux interpellations sur le financement du Tax shift

La Chambre le 28 octobre 2015 en Commission Finances & Budget

Chers collègues, je tiens à vous dire combien je suis contente d’être parmi vous aujourd’hui. Je me souviens avec bonheur des échanges constructifs, même s’ils étaient parfois assez vifs, que nous avons eus ensemble. Effectivement, je n’ai pas encore eu l’occasion de m’exprimer devant vous dans cette commission mais c’est la première fois que je suis convoquée. Je suis au service du parlement et évidemment, chaque fois que vous l’estimerez nécessaire, je viendrai expliquer ce qui devra l’être.

Par ailleurs, je voudrais aussi vous rappeler que le gouvernement s’est exprimé pendant la séance plénière et la déclaration de politique générale. Après, nous avons eu l’opportunité de débattre thématiquement. J’étais présente toute la journée et prête à vous répondre en séance plénière sur la thématique finances et budget. Finalement, le parlement a décidé de ne pas poursuivre les débats, ce que je respecte parfaitement puisque je vous rappelle que je suis à votre disposition.

Dans son interpellation, M. Laaouej parle de manque de prudence, de manque de sérieux. Pire, il parle même de tromperie. Je ne peux absolument pas accepter ces termes. Vous voyez bien que le gouvernement fait preuve d’une transparence absolue. Pourquoi? Parce que le gouvernement a transmis aux parlementaires, dès le conclave de juillet, des documents extraordinairement détaillés, ligne par ligne, des mesures à prendre et de leur rendement. Quand nous avons discuté de l’ajustement budgétaire au mois d’octobre, vous avez reçu le document sur cet ajustement budgétaire.

À propos des corrections des 995 millions en 2015 et des 343 millions en 2016, je ne peux pas inventer ce qui n’existe pas. On vous a donné les corrections apportées au budget pour l’assainissement budgétaire, rien d’autre n’est possible.

Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que la confection d’un budget n’est pas un exercice unique et figé. Il faut accepter qu’un budget évolue avec le temps. Mais il faut aussi accepter de s’arrêter à un certain moment, de faire une photo, d’identifier la vision pour que vous puissiez vous exprimer dessus.

Effectivement, quand on fait un budget, on pense à un monitoring permanent qui va permettre de contrôler au mieux l’évolution des dépenses, de s’assurer de l’effectivité des rendements de recettes. Comme c’est le cas depuis la nuit des temps, si une déviation positive ou négative de la trajectoire devait s’avérer, un gouvernement responsable devrait prendre des mesures. Je ne vous apprends rien.

Dans le cadre de ma fonction de ministre du budget, je ne ferme pas les yeux. Le gouvernement non plus. Il prend ses responsabilités comme il l’a toujours fait. Et les communications qui ont été faites en octobre ne dérogent en rien à la réalité des tableaux et ne sont absolument contradictoires avec l’expression que j’ai donnée dans le journal, ce matin. Je vous expliquerai pourquoi au cours de mon exposé.

L’objectif du conclave du mois d’octobre était double: il était de faire face à la baisse annoncée des recettes pour garantir l’assainissement budgétaire – ça c’est le tableau que madame Temmerman a montré tout à l’heure ; il était aussi de déterminer les modalités de mise en œuvre du tax shift II puisque la modalité de financement et le tableau du conclave vous avaient déjà été distribués. Quand on détermine des modalités, ce tableau peut évoluer à la marge; je vais vous en parler tout à l’heure.

Donc, il s’agit bien de deux tableaux qui se complètent, mais qui n’envisagent pas les choses sous le même angle: celui du conclave est un tableau de juillet qui se focalise sur les modalités du tax shift et l’autre se focalise uniquement sur l’effort du comité de monitoring qui devait être fait.

C’est d’ailleurs ainsi que le gouvernement a travaillé.

Je rappelle également la transparence au niveau de la pluriannualité des tableaux. Effectivement, quand on se contente, comme cela a été fait précédemment, de présenter des budgets de l’année +1, c’est-à-dire uniquement de l’année, on ne prend pas de grands risques au niveau des trajectoires car elles sont plus assurées que si l’on travaille sur des tableaux à trois ou quatre ans. C’est un fait objectif qu’il faut pouvoir accepter.

Pour le tableau relatif à l’assainissement budgétaire, vous y verrez plusieurs points car je sais que vous vous posez des questions sur ce tableau. L’exercice a commencé par des corrections techniques. La première concernait les versements anticipés sur les intercommunales. Le comité de monitoring n’avait pas pris en compte d’éventuels versements anticipés des intercommunales dans son estimation, alors qu’il apparaît quand même que nous en aurons. En tenant compte de cette information, on a procédé à la correction technique pour un montant de 30 millions d’euros en 2015.Une autre correction technique concerne bpost. Le gouvernement a apporté une correction d’indexation à bpost qu’il a effectivement ajoutée dans le tableau, car c’est une dépense supplémentaire. Quant à l’évaluation de la taxe de spéculation, initialement le rendement était chiffré à 28 millions d’euros. Il a été réévalué à 34 millions d’euros. C’est pour cette raison que vous trouvez 6 millions d’euros supplémentaires dans les corrections techniques. En ce qui concerne les enveloppes IPSS, il y a eu là aussi une correction technique parce que, dans le comité de monitoring, les IPSS avaient introduit une demande supplémentaire de budget qui en fait n’avait pas été acceptée par le gouvernement. Cela a été corrigé à concurrence

Voilà pour les corrections techniques qui vont être déduites de l’effort du comité de monitoring. À partir du moment où on a estimé ces corrections techniques, on prendra les mesures que vous retrouvez dans le tableau.

En ce qui concerne la correction TVA : quand la TVA sur l’électricité est passée de 21 à 6 %, le comité de monitoring a considéré le remboursement de 249 millions que l’on devait faire suite à cette diminution comme un remboursement structurel. Cette diminution n’étant pas structurelle, nous avons corrigé d’autant.

Il y a deux effets dans la régularisation. L’effet stock de 111 millions avait été pris par le comité de monitoring en amélioration du solde nominal et n’avait pas considéré comme structurel. Comme nous avons structuralisé cette régularisation, elle vient dès lors améliorer le solde structurel d’autant. Les 73 millions qui s’ajoutent, c’est la réévaluation de ce qu’il y a dans le pipeline aujourd’hui. Cela correspond à une réalité objective.

Cliquet diesel, accises sur l’alcool. Vous l’avez vu aussi dans la presse, la décision est de relever les accises sur l’alcool et le cliquet à partir du 1er novembre 2015. Les rendements sont inscrits.

En ce qui concerne la taxe bancaire, nous avions prévu un rendement de 100 millions. Nous nous sommes rendu compte que nous risquions de ne pas atteindre ce rendement. Il fallait donc élargir le périmètre de cette taxe bancaire. L’élargissement du périmètre de la taxe bancaire pour assurer le return de 100 millions a également un impact sur les rendements escomptés en 2016.

Dans le tableau (juillet), on a également avancé de 2017 la mesure précompte mobilier de 25 à 27 %. C’est ainsi qu’elle se retrouve dans le tableau que vous avez reçu au mois d’octobre.

Sous-utilisation et prudence budgétaire : C’est une réestimation de la sous-utilisation naturelle des SPF. Ajoutez à ce chiffre 50 millions supplémentaires consécutifs à la circulaire de prudence budgétaire que nous avons adoptée.

Certaines dépenses sont liées à la crise de l’asile. Le Comité de monitoring avait estimé qu’elles étaient structurelles. À plusieurs reprises, nous avons clairement dit qu’il s’agissait d’une sortie exceptionnelle et temporaire. Vous n’êtes pas sans savoir que les discussions avec les instances européennes sont toujours en cours. Une interview parue hier tentait de démontrer que nous allions prendre la même direction. C’est important, car si une telle dépense vient grever le budget tout en étant considérée dans le calcul de l’amélioration des soldes structurels, nous serons jugés en fonction de cet alourdissement que la plupart des États estiment exceptionnel.


Voilà pour le tableau que vous avez reçu ce mois-ci. S’agissant de celui du mois de juillet, je vous confirme ce que le premier ministre a dit. De nouveau, nous agissons dans la transparence et selon la pluriannualité. Vous avez tous reçu ce document qui contient des chiffres extrêmement précis.

Il date du conclave de juillet. Je le répète. N’essayez pas de chercher un autre tableau qui n’existe pas. Qu’avons-nous expliqué en conférence de presse? Nous avons dit que ce tableau différait du précédent. Il s’agit de tenir notre engagement favorable au pouvoir d’achat, qui est fondamental en termes de relance économique. Comment se présente l’enveloppe? D’abord, on augmente le pouvoir d’achat des citoyens pour relancer la consommation intérieure, dont M. Laaouej s’inquiète si souvent, parce que le revenu disponible sera supérieur.

Ensuite, nous diminuons les cotisations patronales de manière à relancer l’emploi, qui va créer de l’IPP et donc apporter des revenus supplémentaires à l’État, dont les entités II bénéficieront mais je vous propose d’en parler un peu plus tard.

Vous voyez, sur ce second tableau, un glissement de 850 millions de 2020 vers 2019. Cela aura un impact évident sur le solde à financer. Nous avons aussi annoncé 150 millions de plus. Les anticipations que nous avons présentées dans le tableau d’ajustement budgétaire sont les modifications qu’il faut apporter. Nous avions déjà prévu, comme M. Laaouej l’a souligné, des mesures à prendre à hauteur d’un milliard d’euros pour 2018. Si vous faites vos comptes, ces ajouts constituent une différence: deux milliards en 2018 et trois milliards en 2019. C’est mathématique. Il n’y a pas de poudre de perlimpinpin ni de zone d’ombre, loin de là. Cet état de fait est pleinement assumé.

Sachez aussi que, dans les mesures positives, nous aurons des effets retour. M. Van Overtveldt a expliqué, au demeurant, qu’ils seraient modérés. Les études nous ont démontré qu’à intervention égale, on peut prendre plus.

Nous avons résolu le budget 2015. Celui de 2016 est en route. Nous reviendrons sur la date de son dépôt, madame Temmerman. Comme je l’ai annoncé, il y a un différentiel.

Ce différentiel de 2 milliards en 2018 doit être mis en perspective par rapport à un budget annuel de 170 milliards. N’oubliez pas les efforts du comité de monitoring, du conclave budgétaire, nous ne les avons pas inventés maintenant.

En octobre 2012, 3,7 milliards d’efforts à faire selon le comité de monitoring. En juin 2013, 3,3 milliards d’efforts à faire selon le comité de monitoring. En juillet 2014, 5,3 milliards. En juillet 2015, etc., etc. Je ne parle pas de maintenant, où le gouvernement fait montre d’une transparence absolue, mais à l’époque, au moment du vote des budgets, je ne suis pas convaincue qu’on annonçait déjà les possibilités d’écarts qui pouvaient poindre. Le budget était voté et ensuite il y avait des comités de monitoring.

Reprocher à ce gouvernement un manque de sérieux, de l’inexactitude et, pire, de la tromperie, c’est pousser le bouchon un peu loin par rapport à l’engagement de ce gouvernement. Je vous dis tout de suite, avec énormément de respect et d’amitié, que je ne suis pas du tout d’accord.

Après, je ne minimise pas non plus. Il faut prendre ses responsabilités, il y a un cap budgétaire à tenir, qui est très important. Il faut être honnête, transparent, dire les choses, mais il ne faut pas faire peur aux citoyens pour faire un coup politique. Ce n’est pas très responsable.

Je rappelle aussi les mesures qui sont prises. Le gouvernement a fait un choix clair, nous en avons parlé: augmenter le pouvoir d’achat des bas et des moyens salaires. Je me souviens encore de débats avec M. Laaouej qui nous expliquait que, plus le revenu disponible était bas, plus l’augmentation de ce revenu disponible pouvait avoir des effets extraordinairement positifs sur la relance économique. C’est ce que nous faisons. J’espère, monsieur Laaouej, que vous nous suivrez.

C’est un engagement clair. Personne ne conçoit, n’envisage que l’on reviendra sur cet engagement. Je rappelle que quelqu’un qui touche 2 100 euros bruts gagnera 120 euros supplémentaires à l’horizon 2019. Pour 1 500 euros bruts, on parle de 140 euros. Je vous explique de nouveau que plus les salaires sont faibles, plus le différentiel est important. Cela relance énormément l’économie.

Au niveau des charges patronales, n’oubliez pas cette mesure que je trouve fondamentale, et je pense que vous êtes tous d’accord avec moi: l’exonération pour le premier emploi, pour le premier recrutement. Cela va avoir une influence positive énorme sur le trajet financier, le trajet budgétaire.

Bien entendu, nous serons aussi marqués par les effets macroéconomiques. Nous ne vivons pas dans une île. Mais tous ces effets retour, tous ces effets positifs, il faut en tenir compte. On ne peut pas les oublier parce qu’on a envie de se consacrer au titre de l’article qui fait le buzz. Je pense que la complexité est plus importante.

En ce qui concerne les conséquences sur les entités II: oui, il y a un coût pour les entités II, comme d’ailleurs le fédéral, qui porte aussi un coût conséquent. Ce coût existe. Mais il y a des effets positifs. Les effets positifs dont je vous ai parlé, pensez-vous sincèrement qu’ils s’arrêtent à la porte du fédéral? Ils vont aussi et prioritairement influencer positivement les Régions et les communes.

Vous le dites vous-même avec justesse, nous avons rétabli nos relations. Selon l’expression de mon collègue wallon, « la prise est rebranchée avec le fédéral ». Je ne suis pas sûre qu’elle était vraiment débranchée. Mais tout va bien, nous nous parlons et nous essayons d’expliquer les conséquences techniques de telle ou telle mesure.

Même dans ces discussions, ils reconnaissent l’existence d’effets positifs, et probablement très positifs. Pour la facilité de la constitution des budgets des entités II, l’objectif est de travailler ensemble à l’objectivation de ces effets.

Évidemment, à côté des effets économiques dont je vous parlais, on trouve des effets directs. On parle ici de la diminution de la TVA sur les bâtiments scolaires, de la mesure que vous décriez, mais qui a eu un effet important sur les finances publiques locales et régionales, le saut d’index, et de la taxe Caïman. Cette dernière va avoir aussi des effets positifs en termes d’IPP. La régularisation aura des effets positifs en droits de succession. L’ensemble des ces effets positifs ne nous fait pas renier l’existence d’un coût, comme au fédéral d’ailleurs. Nous avons pris l’engagement, entre les Entités II et le fédéral, de travailler ensemble.

lors de la conférence de presse du 10 octobre, le gouvernement fédéral a présenté différents chiffres concernant la réforme fiscale. Ces derniers reprenaient les effets cumulés à l’horizon 2018 de l’ensemble des mesures prises dans le cadre de cette réforme depuis l’initial 2015 et ce jusqu’au conclave d’octobre.

Le tableau de juillet que vous mentionnez dans votre question ne présentait par contre que les mesures décidées en juillet, c’est-à-dire sans intégrer les décisions déjà prises antérieurement (tax shift 1). De plus, il faut éviter de confondre les impacts cumulés jusqu’en 2018 ou jusqu’en 2020. Ainsi, les tableaux de juillet mesurent l’impact à l’horizon 2020 tandis que la présentation powerpoint mesure l’impact jusque 2018.

Lorsque vous comparez ces deux documents, il y a donc lieu d’être attentif à ces différences afin d’éviter de tirer des conclusions trop hâtives.

Ainsi, les montants relatifs à la fraude fiscale de la présentation du conclave d’octobre reprennent les mesures tax shift 1 et tax shit 2. Il en va de même de l’impôt sur le capital.
Concernant le dépôt du budget, celui-ci sera déposé le 13 novembre prochain, soit exactement la même date que pour le dépôt du budget 2015. Pour rappel, le budget 2014 a lui été déposé le 31 octobre 2013. Le budget 2013 a été déposé le 26 novembre 2012. Le budget 2012 a été déposé le 20 décembre 2011 !
L’ampleur du tax shift et le sérieux que requière cet exercice expliquent les délais nécessaires entre la publication du rapport du Comité de monitoring le 22 septembre dernier et le dépôt du budget le 13 novembre prochain. Et ceci, sans compter l’énergie qui a été mobilisée pour envoyer dans les délais le Draft Budgetary Plan à l’Europe (15 octobre).