La Libre Belgique du 29 avril

Les grands musées fédéraux (Beaux-Arts, Cinquantenaire, Tervuren, Sciences naturelles, Irpa) et les autres établissements scientifiques fédéraux, les ESF (Établissements scientifiques fédéraux : Bibliothèque royale, Archives, le plateau d’Uccle) le répètent depuis des années : ils sont “à l’os” avec les coupes répétées dans leurs budgets (déjà sous Di Rupo), l’absence d’autonomie de gestion, les non-nominations. La moitié des dix directeurs de ces ESF sont seulement ad interim et, parfois, depuis de nombreuses années. Depuis février 2018, il n’y a plus non plus de directeur général de Belspo (politique scientifique, 3 000 personnes concernées) depuis que le Conseil d’État a annulé la nomination de René Delcourt qui avait succédé à Philippe Mettens.

Sophie Wilmès (MR), ministre du Budget et de la Fonction publique, a repris depuis seulement quatre mois (depuis le départ de la N-VA) la compétence sur les ESF. Impossible en un si court laps de temps, et en affaires courantes, de résoudre ces problèmes. Mais elle a eu le temps de s’immerger dans les ESF et de rencontrer les équipes. Même si elle prend soin de ne jamais critiquer ses prédécesseurs (Elke Sleurs et Zuhal Demir), ni l’action d’un gouvernement dont elle est la ministre du Budget depuis septembre 2015, ses propos indiquent une voie à l’exact opposé de celle suivie depuis quatre ans sous la tutelle des nationalistes flamands.

 

Dans quel état avez-vous trouvé ces ESF ?

La politique scientifique est une formidable matière. Je rentre juste de Zeebrugge où on a annoncé le nom du futur bateau océanographique, le Belgica II , j’en suis ravie. J’ai visité chaque ESF et les personnes qui sont en charge. J’y ai vu la grande richesse de ce patrimoine qui doit rester fédéral et celle de leur personnel avec leur expertise. Je ne porte aucun jugement sur mes prédécesseurs, mais j’ai vu une satisfaction de se retrouver dans un dialogue avec moi. J’y ai vu aussi le cadre budgétaire restreint et un manque d’autonomie dans l’application des règles budgétaires et de l’engagement du personnel.

 

Comme ministre du Budget, vous êtes co-responsable de cela. Depuis des années, on répète que subsidier les ESF est plus qu’une dépense, c’est un investissement dans une entreprise culturelle qui génère des rentrées.

Je ne veux pas me défausser sur la nécessité impérieuse d’assainir le budget en demandant des efforts à tous les départements. Mais je sais qu’il y a une limite à ce raisonnement en imposant des mêmes pourcentages à tous. Il faut maintenant utiliser, avec l’aide de l’Europe, le spending review qui permet de différencier les efforts demandés en fonction de leurs impacts. Pour les ESF, augmenter les dépenses peut parfois permettre ensuite de générer des rentrées ou de faire des économies. Ce serait aussi une manière de sortir de l’interdiction actuelle qui leur est faite de puiser dans leurs réserves, car cela accroîtrait le déficit total de l’État.

 

L’autonomie aux ESF était déjà inscrite dans la déclaration gouvernementale et un plan avait été approuvé par le gouvernement en 2016, et ensuite, plus rien… N’y a-t-il pas eu, de la part de la N-VA, une volonté de laisser pourrir ce bastion fédéral ?

Je ne fais aucun procès d’intention à mes prédécesseurs. Je rappelle qu’on a inauguré le magnifique musée de Tervuren, qu’Elke Sleurs a obtenu des actions one shot , qu’on a initié un plan de rénovation des bâtiments et activé les budgets Beliris avec Bruxelles. Je suis acquise à l’autonomie et il faudra y travailler en consultant les professionnels de ces ESF qui savent de quoi ils parlent et en assortissant l’autonomie des ESF d’un rôle important de Belspo pour les missions d’appui. Pour le personnel, les règles de la Fonction publique qui s’appliquent à tous les départements, y compris les ESF, ne tiennent pas compte de leurs spécificités. Mêmes si les budgets aux ESF étaient augmentés, la procédure de recrutement resterait trop longue et beaucoup de candidats partiraient ailleurs.

 

La moitié des ESF est dirigée par des intérimaires qui n’ont en plus, pas le salaire d’un directeur nommé !

Comme on avait la volonté de réformer en profondeur les ESF, avec le plan de 2016, il était logique d’attendre celui-ci pour nommer. Mais cette réforme ne s’est pas faite. Ce qui n’empêche que l’intelligence des directeurs nommés ou pas, fait que ces ESF font du très beau travail. Pour le directeur-général de Belspo, j’ai fait une proposition de nomination intérimaire qui doit encore être validée par l’Inspection des Finances.

 

Êtes-vous favorable à donner de nouveaux moyens fiscaux aux musées : tax shelter, lois nouvelles sur le mécénat ?

Cela fait partie d’un travail à fournir, y compris par les musées dans le cadre de leur autonomie, pour rechercher de nouvelles formes de subsides.

 

Le refus d’Elke Sleurs, alors à la tête des musées, de dialoguer avec Kanal à Bruxelles, avait fait du bruit.

À Pâques, j’ai visité Kanal avec le ministre-Président bruxellois Rudi Vervoort. Il faut construire des ponts avec Kanal et Bruxelles, quelles que soient les forces politiques au pouvoir de part et d’autre. On verra la forme que cela peut prendre, mais il est important d’œuvrer au rayonnement de Bruxelles.