Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Je suis heureuse de m’adresser à vous aujourd’hui pour la première fois, en ma capacité de Ministre des Affaires étrangères, des Affaires européennes et du Commerce extérieur.

Et honnêtement, je suis également très heureux de pouvoir reprendre ma tâche après cinq semaines et demie d’absence.

Nous entamons ce mercredi une série de rendez-vous réguliers qui – je l’espère – nous permettront de tenir des échanges sincères, constructifs, de qualité.

Des échanges, par-dessus tout, utiles pour nos travaux respectifs, chacun dans nos prérogatives.

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Vous avez toutes et tous pris connaissance de ma Note d’orientation politique, qui, avec l’Accord de gouvernement, vous donne la vision que j’entends porter tout au long de ce mandat.

À ces documents s’ajoute la Note de politique générale qui vous fournit un aperçu des actions qui seront menées dès l’année prochaine.

Je me concentrerai donc, en guise d’introduction à cette discussion, sur la philosophie générale ainsi que sur les axes de travail que j’entends suivre.

Bien sûr, l’ensemble des points abordés feront l’objet de débats approfondis avec le Parlement au fil de nos Commissions durant cette législature.

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La politique étrangère est un domaine particulier qui est confronté à un contexte en perpétuel mouvement.

Un contexte souvent instable ces dernières années – il faut bien l’avouer.

Il n’a de cesse d’évoluer, d’heure en heure. Jour après jour.

Face à cet environnement fluctuant, notre politique étrangère se doit d’être solide et cohérente pour être efficace.

Pour cela, elle doit reposer sur des piliers forts.

Au cœur de notre politique étrangère, on trouve en premier lieu les intérêts de la Belgique et de ses citoyens. C’est le premier pilier.

Ils sont à envisager au sens large. Il s’agit de notre économie, de notre sécurité ou encore de notre rayonnement à l’étranger.

Mais cette politique serait bancale si elle ne se reposait que sur les intérêts du pays.

En effet, elle doit pouvoir aussi compter sur un deuxième pilier.

Ce sont nos valeurs et nos principes ; ces valeurs et principes qui ont forgés notre Histoire – et qui fondent notre société contemporaine.

Ce sont les valeurs que nous défendons quotidiennement au sein de ce Parlement : la démocratie, la liberté, la défense des droits humains.

Mais aussi un cadre international basé sur le respect des règles.

Vous constaterez que ces deux piliers apparaissent toujours en filigrane.

Je reviendrai aussi, avec vous, sur une série d’outils, de méthodes et de moments-clefs qui ont pour but d’ancrer ces piliers dans la réalité.

 

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Notre politique étrangère est – et restera – à l’image de notre pays : ouverte sur le monde.

Vous le savez comme moi – nous vivons dans un pays très intégré à un monde extérieur globalisé et, dans ce contexte-là, le commerce international reste un des leviers majeurs de notre croissance économique ; pour créer plus de prospérité, plus d’emplois mais aussi pour garantir la pérennité de notre modèle social.

Face à la crise que nous connaissons actuellement, il est donc indispensable de tout mettre en œuvre pour exploiter cette source majeure de croissance pour notre pays. J’ajoute que le retour des compétences fédérales de commerce extérieur dans les attributions du Ministre des Affaires étrangères offre l’opportunité de l’exploiter de manière optimale.

La Belgique défendra dans ce cadre le développement d’une  politique commerciale européenne ambitieuse et inclusive ainsi que d’un Marché Intérieur performant au sein duquel tous les pays sont interconnectés entre eux et travaillent ensemble.

Dans un projet européen solide, la réussite des uns engendre la réussite des autres. Dans la responsabilité et la solidarité, notre épanouissement est collectif.

Mais que çe soit en Europe ou partout ailleurs dans le monde, il est important – pour nos entreprises, nos PME – d’évoluer dans un environnement qui est juste – équitable – ouvert – transparent – mais aussi régi par des règles applicables et appliquées.

Nous y œuvrons chaque jour à notre niveau ; mais aussi au sein des instances internationales.

Nous continuerons de porter une attention particulière au fait que ces échanges commerciaux, de façon plus transversale, doivent être imprégnés de nos valeurs. Celles que nous partageons aussi avec nos partenaires européens.

Je pense, par exemple, au respect des droits humains – que vous avez pu lire dans la note de politique – ou encore au développement durable.

Pendant cette législature, j’entends donc exploiter à cette fin tous les outils à ma disposition ; que ce soit les mécanismes de financement des exportations, la tenue de missions économiques, l’organisation de déplacements à l’étranger ou encore l’accueil des très nombreuses délégations étrangères qui se rendent en Belgique en vue de soutenir le commerce et les investissements.

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J’aurai également à cœur de veiller à l’image et la réputation de la Belgique à l’étranger.

Son rayonnement forme un tout, un puzzle dont chaque pièce a son importance.

C’est à la fois une Belgique très active sur la scène internationale – qui siège au Conseil de Sécurité de l’ONU – qui prend des initiatives au sein de l’Union européenne, comme dans le cadre de l’état de droit par exemple.

C’est aussi une Belgique innovante représentée par des entreprises créatives, efficaces et performantes sur le marché mondial.

Mais c’est surtout une Belgique talentueuse qui est fière – et met en valeur les succès de ses ressortissants ; que ce soit dans le domaine économique, de la culture, du monde académique ou du sport.

Je n’oublie pas que nos citoyens, par leur savoir-faire, sont nos meilleurs ambassadeurs.

Ils portent fièrement nos couleurs en-dehors de nos frontières. Et nous nous devons d’être à leurs côtés.

 

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Comme Ministre des Affaires étrangères, je suis au service – tout comme notre diplomatie –  des Belges qui vivent ici mais aussi  des Belges qui vivent à l’étranger.

Face à la crise du COVID19, l’ensemble de nos postes diplomatiques et consulaires s’est mobilisé pour aider les Belges bloqués aux quatre coins du monde.

Ce n’est que la plus récente illustration du rôle que les Affaires étrangères jouent dans la vie de nos concitoyens qui résident ou voyagent à l’étranger.

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Mesdames et Messieurs les Députés,

La politique étrangère que je souhaite mener ne peut pas être qualifiée « d’ouverte sur le monde » si elle ne porte pas en elle un objectif supérieur – celui de contribuer à la paix et à la sécurité internationale.

Nous avons la chance, en Europe occidentale, de connaître une paix durable depuis plus d’un demi-siècle.

C’est un exploit qui ne se vérifie pas toujours sur les autres continents.

Cette « exception » qui est la nôtre ne doit pas nous faire oublier à quel point la paix est fragile.

Tout autour de nous, des conflits éclatent.

Ces guerres n’abîment pas seulement notre humanité – les actes qui y sont perpétrés sont trop souvent atroces.

La perte de vies humaines est inacceptable, peu importe le conflit ou l’injustice dont elles sont victimes.

Elles peuvent avoir aussi des conséquences directes sur notre pays.

Récemment encore, une guerre à 4.000 km de nos frontières s’est avérée être une menace pour notre sécurité – dans nos rues, dans nos métros, dans l’espace public.

Dès lors, la lutte contre le terrorisme islamiste doit se poursuivre au Sahel, en Afghanistan, et contre Daesh en Syrie et Irak.

La Belgique restera un acteur important de ces efforts internationaux et un pays sur lequel nos partenaires peuvent compter.

Quiconque dit la Syrie et l’Irak pense aussi aux Foreign Terrorist Fighters belges ou FTF.

Dans les camps en Syrie, il y a des enfants qui sont victimes des choix de leurs parents.

Je m’inquiète de leur sort.

Notre pays continuera à chercher des pistes et des instances pour retracer l’ascendance de ces enfants.

Ainsi, le rapatriement peut être envisagé, en coordination avec les autorités locales du nord-est de la Syrie.

Bien entendu, notre pays continuera également à bien coopérer avec la Turquie dans l’approche des FTF qui y ont été arrêtés en vue de leur expulsion.

Notre politique vis-à-vis des FTF et de leurs enfants peut évoluer en fonction des circonstances, mais elle fera toujours l’objet d’un consensus au sein du gouvernement.

 

 

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Mesdames et Messieurs les Députés,

Face à ces grands enjeux internationaux, nous devons calibrer au mieux notre positionnement géopolitique.

Pour ce faire, nous sommes parfaitement conscient de la plus-value de l’Union européenne.

L’Union Européenne qui doit – en premier – lieu pouvoir compter sur elle-même.

C’est pourquoi la Belgique continuera de soutenir le développement d’une véritable politique étrangère mais aussi de défense européenne : l’Union a besoin d’un instrument de sécurité et de défense crédible, soutenu par des capacités militaires et civiles adéquates.

C’est dans l’intérêt de l’Europe mais aussi dans l’intérêt de ses partenaires de l’OTAN.

Une véritable politique étrangère européenne signifie une Union européenne forte à l’intérieur, comme à l’extérieur.

La devise de notre pays est « l’union fait la force » et cette devise est tout à fait transposable à la construction européenne.

Cette unité, nous devons la garder en tout temps. Aussi face au plus grand défi qui nous attend ces prochains mois : la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit).

Je reste convaincue qu’un partenariat bénéfique pour nous – Européens – et pour Londres est possible.

Ce pays voisin et ami – avec qui nous avons partagé une histoire commune, un marché commun et un socle de valeurs – doit rester un partenaire de premier ordre pour l’Union et pour la Belgique.

Je maintiens donc notre volonté de parvenir à accord équilibré, offrant un accès le plus large possible à nos marchés respectifs du point de vue des personnes, des entreprises, des marchandises et des services. Il s’agira aussi d’établir des coopérations étroites dans tous les domaines d’intérêt, comme la sécurité par exemple.

Bien entendu, un tel partenariat n’est possible que dans des conditions équitables de règles et de concurrence ; sans quoi nous risquons de remettre en question toute l’intégrité du projet européen – ce qui n’est pas acceptable.

Avec mes collègues du gouvernement, je veillerai dans tous les cas – et particulièrement en cas de hard brexit – à ce que la transition soit la moins pénible possible pour nos entreprises qui sont – faut-il le rappeler ? – parmi les plus exposées au niveau européen.

Et je fais ici aussi référence au fonds réservé pour les conséquences Brexit dont vous savez que  la Belgique a été l’une des chevilles ouvrières pendant les négociations du plan financier pluriannuel. Nous espérions à la base ne pas devoir en disposer, mais au vu de la situation telle qu’elle est, nous veillerons à ce que ce fonds soit d’abord accessible aux pays les plus touchés.

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Pour une Union européenne forte, la Belgique appuie pleinement le concept d’autonomie stratégique.

Il ne s’agit en aucun cas d’une idée de repli sur soi, mais plutôt d’une gestion saine et intelligente de nos moyens économiques, de nos relations internationales et des liens que nous tissons avec des partenaires dignes de confiance et qui partagent notre vision du monde.

Parmi ceux-ci figurent les États-Unis.

Le résultat de l’élection présidentielle devrait permettre un renouveau dans les relations transatlantiques et un réengagement du partenaire américain sur le plan multilatéral.

La Belgique aspire à une relation davantage basée sur le dialogue, sans néanmoins perdre de vue le fait que les enjeux d’hier n’ont pas fondamentalement changé, en une élection.

 

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Notre politique diplomatique doit nous permettre de répondre aux problématiques qui nous sont posées en dehors de la sphère de nos alliés européens et transatlantiques.

À l’égard de la Chine, nous défendons un engagement multilatéral actif.

Mais il doit aller de pair avec davantage de réciprocité dans nos relations commerciales et de véritables progrès en matière de droits humains.

Plus proche de nous, le rôle de la Turquie inquiète.

Depuis un certain temps, ce pays se comporte d’une manière qui va à l’encontre des intérêts européens et de la stabilité dans le voisinage.

Qu’il s’agisse de la Syrie, de la Méditerranée orientale ou de Nagorno-Karabakh – nous attendons de la Turquie qu’elle fasse partie de la solution et non du problème.

Nous plaiderons activement au sein de l’UE pour conditionnaliser notre relation et, en même temps, renforcer le dialogue avec le pays.

L’OTAN est l’un des forums où un dialogue franc doit aussi avoir lieu.

Notre relation avec la Russie est tout aussi complexe.  Elle reste un acteur stratégique important avec lequel il faut maintenir le dialogue.

Mais ses actions de déstabilisation, entre autre en Ukraine et en Biélorussie, sont inacceptables.

La mise en œuvre des accords de Minsk pour la résolution du conflit ukrainien reste le fondement de notre position, telle qu’elle a été définie au sein de l’Union européenne.

La Belgique dénonce également le rôle de Moscou dans la crise en Biélorussie et plaide pour une solution qui respecte la volonté du peuple biélorusse.

À cet égard, nous soutenons la proposition de médiation de l’OSCE.

Côte à côte, indépendants et en sécurité. C’est ce que notre pays souhaite pour Israël et la Palestine.

Notre pays, avec ses partenaires européens, soutient la reprise d’un processus de paix crédible fondé sur le droit international et les paramètres établis dans le passé.

Il s’agit de rester fidèle à l’objectif global: une paix juste et durable, qui doit être concrétisée par les deux parties.

En effet, celle-ci ne peut être atteinte lorsque l’on nie, par exemple le droit de l’autre à la sécurité. Ou lorsque l’on dresse des obstacles à une solution, comme c’est le cas avec la colonisation.

Dans cet environnement complexe, je souhaite que la Belgique et ses partenaires européens poursuivent leurs efforts pour parler d’une seule voix et influer de manière positive sur le dialogue et les négociations entre Israéliens et Palestiniens.

En Afrique, nous devons continuer à œuvrer pour le développement d’un continent où les populations vivent en paix.

Pour ce faire, nous appuierons nos partenaires africains dans la consolidation de leurs institutions démocratiques.

Nous collaborerons aussi avec d’autres acteurs, comme les Nations Unies ou l’Union Africaine, afin d’aider à prévenir les conflits, soutenir les médiations et promouvoir la réconciliation.

J’ai d’ailleurs transmis ce message au ministre des Affaires Étrangères de l’Éthiopie, que j’ai rencontré ce matin.

La Belgique est engagée dans la région des Grands Lacs et au Sahel en faveur de la paix ainsi qu’en faveur de la dignité et de la sécurité de tous.

Par ailleurs, j’ai demandé aux services des Affaires Etrangères de rester à la disposition de la Commission spéciale « Congo – Passé colonial ». Elle contribue à un travail de mémoire aussi indispensable que nécessaire.

 

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Mesdames et Messieurs les Députés,

Dans nos efforts pour contribuer à la paix et la sécurité du monde, nos valeurs sont notre boussole.

Des drapeaux LGBT+ brûlés, on en a vus récemment.

Des femmes qui passent des journées entières à manifester pour garantir leur droit à disposer de leur corps.

Des jeunes filles qui sont mariées de force.

Des manifestants qui sont emprisonnés car ils ont exprimé une opinion.

Des dirigeants qui sacrifient le bien commun pour leurs intérêts personnels.

Ce sont bon nombre de nos valeurs démocratiques qui sont mises à mal dans beaucoup de pays à travers le monde. Mais même chez nous, ne l’oublions pas, nous entendons encore trop souvent des discours qui vont à l’encontre de ces valeurs fondamentales.

La Belgique continuera de défendre inlassablement ses valeurs, dans ses relations bilatérales, au sein de l’Union européenne, et dans les différents forums internationaux où elle est active.

Elle défendra l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits humains.

Nous sommes en fait convaincus que le respect de ces droits les plus essentiels est de nature à garantir une paix durable ainsi que la prospérité et le bien-être dans toute société.

C’est fort de cette conviction que nous entendons porter ces principes partout dans le monde, à chaque fois, quand c’est possible.

Respecter l’intégrité d’une personne. Reconnaitre son humanité. Lui donner accès à la justice. Lui permettre de jouir des libertés les plus fondamentales. Tout cela participe à la stabilité politique et socio-économique d’un pays.

Dans ce même esprit, l’égalité des genres doit – ne l’oublions pas – rester au plus haut de notre agenda et j’en ferai une priorité transversale de notre politique étrangère.

 

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Un rendez-vous particulièrement important auquel je participerai sera celui de l’Examen périodique universel de la Belgique au sein du Conseil des Droits de l’homme.

Celui-ci est prévu le 5 mai prochain et se penchera sur le respect des droits humains en Belgique.

Nous aborderons cet exercice avec franchise et transparence, en bonne coordination avec mes collègues fédéraux, les entités fédérées, et la société civile.

Je vois ce rendez-vous comme une étape essentielle de notre candidature à un siège au Conseil des Droits de l’Homme en 2023-2025.

Nous devons évidemment pour cela faire preuve de crédibilité et de leadership dans ce dossier.

 

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À côté des droits humains, le respect de l’état de droit est une des valeurs phares de la politique étrangère que je propose de mener.

Pas plus tard que la semaine dernière, d’ailleurs, la Belgique participait au premier exercice de peer review effectué dans l’Union européenne.

C’est une avancée remarquable initiée par mon prédecesseur Didier Reynders qui n’a pas ménagé ses efforts pour la concrétiser.

La Belgique en suivra la mise en œuvre de près : le respect de l’état de droit fait partie du contrat d’adhésion à l’Union européenne.

Par ailleurs, notre pays s’engagera avec la même vigueur dans la promotion de l’état de droit au-delà des frontières de l’Union.

Dans le même esprit, la Belgique continuera de défendre un ordre international basé sur le respect des règles de droit, qu’il s’agisse des traités internationaux, des résolutions du Conseil de sécurité ou des règles du commerce international.

Nos citoyens, nos entreprises, ont besoin de ces garanties et de cette sécurité juridique.

Ceux qui la bafouent et violent les traités internationaux ne peuvent en aucun cas rester impunis.

Notre appui à la justice internationale restera à ce titre solide et visible, en particulier en faveur d’une Cour pénale internationale efficace et respectée.

La Belgique a également une diplomatie active en matière de désarmement et est un acteur international reconnu et respecté à ce titre.

Elle poursuivra sur cette voie durant la législature.

Le rendez-vous-clef de 2021 est la Conférence de révision du Traité de non-prolifération des armes nucléaires.

La Belgique en sera un participant actif, ouvert et dynamique.

Dès en amont, elle s’investira dans la formulation de la position européenne, avec une attention particulière pour les mécanismes de vérification du désarmement et pour la diminution des risques nucléaires.

 

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La Belgique est de tradition multilatéraliste, pour des raisons aussi logiques qu’évidentes.

Les problèmes complexes auxquels nous faisons face au niveau mondial, ne peuvent trouver de solutions efficaces si elles ne sont pas négociées, acceptées et mises en œuvre par l’ensemble des pays concernés.

La formation d’un consensus international est vaine et sera sans effet tangible si elle ne fait pas l’objet d’un débat inclusif et fédérateur.

La voie multilatérale, c’est s’engager sur le chemin le plus ardu mais le plus prometteur pour initier des changements pérennes.

Ceci, plutôt que d’emprunter le raccourci facile et confortable de l’entre-soi, qui n’aura finalement que peu d’impact au niveau global.

Il est vrai que les résultats du multilatéralisme ne sont pas toujours à la hauteur de nos attentes.

Nous voudrions des solutions plus rapides, un mode de fonctionnement plus efficace, plus juste.

Mais, même si la méthode est fastidieuse, c’est par le dialogue et l’action multilatérale que nous parviendrons à installer un changement sur le long terme.

Les approches transactionnelles de circonstance n’ont que des effets temporaires. Si elles apportent des satisfactions immédiates à ceux qui les concluent, elles ont surtout des effets négatifs sur ceux qui en sont exclus.

Elles sont le germe de conflits ultérieurs.

Mais le multilatéralisme que nous défendons ne peut être servi que par des organisations internationales efficaces, « fit for purpose ».

C’est la raison pour laquelle nous appuierons les réformes là où elles sont nécessaires, notamment au sein des Nations Unies, de l’Organisation mondiale de la Santé mais aussi de l’Organisation mondiale du Commerce.

 

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Quand j’évoque le multilatéralisme, je ne peux pas éviter de parler des actions menées par la Belgique ces deux dernières années au Conseil de sécurité des Nations Unies.

En dépit des contraintes liées au fonctionnement de cet organe, mais aussi des effets de la pandémie sur son fontionnement habituel, notre pays a pu influer et marquer de son empreinte nombre de situations.

La Belgique a promu ardemment la protection des enfants dans les conflits armés, en faisant adopter une série d’outils mais aussi de recommandations pour les pays concernés par cette problématique.

Au Sahel et en Afrique de l’Ouest, la Belgique a tenu la plume, renforçant la prévention des crises et la médiation dans les contextes post électoraux, notamment.

A travers plusieurs résolutions, elle a permis la poursuite de l’acheminement de l’aide humanitaire à l’intérieur de la Syrie.

Elle a aussi présidé les travaux du Comité de sanction consacré à la Somalie ainsi qu’assuré le rôle de facilitateur du Conseil de sécurité pour la mise-en-œuvre de la résolution relative à l’accord sur le programme nucléaire iranien.

Là aussi, notre pays a porté des thèmes forts comme les droits humains, le respect du droit international humanitaire et la justice internationale. Je vous propose de revenir sur ce sujet avec vous au cours d’une session qui y sera dédiée, dans le courant du mois de janvier. Nous ferons  un bilan détaillé de ces deux années chargées.

 

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Mesdames et Messieurs les Députés,

Pour clôturer, j’aimerais aborder nos outils de politique étrangère et notamment les prochains grands rendez-vous pour la Belgique.

J’espère que vous aurez compris que j’envisage notre politique étrangère de manière réaliste.

Non, notre pays ne peut pas tout. Il ne peut pas être partout, tout le temps.

 

Notre influence, nos moyens humains et budgétaires n’auront aucun impact s’ils s’épuisent vainement à vouloir intervenir sur tous les fronts.

Pour obtenir des résultats, nous devons choisir les meilleurs moyens d’action et agir là où nous avons un rôle à jouer.

 

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La diplomatie bilatérale est la base de notre réseau. Elle permet non seulement de traiter ce qui doit l’être à ce niveau, mais elle sert aussi à générer des dynamiques et des alliances dans les enceintes multilatérales. L’une ne fonctionne pas sans l’autre.

Nous espérons tous que l’année 2021 marquera la possibilité de reprendre les missions internationales, y compris les missions princières et les visites d’état.

La diplomatie s’appuie sur les contacts humains mais se distingue aussi par sa souplesse: notre action s’adaptera donc au contexte dans lequel nous opérerons.

Outre nos voisins et nos partenaires européens, j’ai l’intention de me rendre dès que possible à Londres avec qui nous devons jeter les bases d’une nouvelle relation, et Washington où nous espérons amorcer une nouvelle dynamique. Nous prévoyons également un déplacement en Chine, à l’occasion de la commémoration des 50 ans de nos relations diplomatiques et avec qui nous devons poursuivre un dialogue engagé. Je me rendrai aussi, bien évidemment, chez d’autres acteurs stratégiques de ce monde, pour des raisons que vous envisagez aisément. L’agenda n’est pas arrêté, nous avons dû faire l’impasse sur cinq semaines et demi de travail. Vous comprendrez qu’il reste donc encore des choses à définir. S’agissant en plus de diplomatie internationale, vous comprendrez aussi que les voyages s’opèreront aussi en fonction de l’actualité.

 

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Nous devons aussi reconnaitre que parfois, la Belgique seule peut difficilement faire avancer les choses.

Les contacts en bilatéral ne suffisent pas.

Dans ces cas-là, il y a les enceintes multilatérales.

Il arrive fréquemment que notre pays en rejoigne d’autres pour peser. Je pense ici avant tout à l’Union européenne.

Mais nous pouvons aussi agir au sein d’autres groupes de pays dits like minded pour augmenter notre influence et faire une véritable différence.

En 2021, la Belgique assumera la Présidence Benelux et nous entendons donner un certain relief à cet exercice.

Par exemple en parlant d’une seule voix sur certains sujets-clefs au sein de l’Union ou en menant des missions conjointes à l’étranger.

Avec le Luxembourg et les Pays-Bas, j’entends aussi identifier des dossiers très concrets qui méritent un investissement particulier en raison leur impact potentiel sur le quotidien de nos populations.

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Plus généralement durant mon mandat, je réserverai une attention particulière à tous nos pays voisins : nous partageons avec eux des frontières, des intérêts économiques et des visions de société similaires.

Cette communauté de vue et d’attentes des fondateurs de l’UE sera notamment utile lors de la réflexion en 2021 sur le futur de l’Europe.

Nous soutenons à cet égard les efforts du Haut Représentant Josep Borrell pour davantage de décisions à la majorité qualifiée dans les affaires étrangères.

Nous devons nous donner les moyens de parler d’une seule voix et d’agir de concert sur la scène mondiale.

Au-delà de 2021, je voudrais mettre en avant un autre mandat important : en 2024, la Belgique assumera la Présidence de l’Union européenne, occupant ainsi une position sans égal pour influencer l’agenda européen et contribuer au premier plan à bâtir de ponts entre les Etats-membres.

 

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Nous poursuivrons également dans certaines regions une approche globale : la Belgique est plus active, mieux reconnue, et surtout, plus efficace lorsque nous unissons les forces de la Coopération au Développement, de la Défense, de la Justice et de la Police Belge, aux côtés des Affaires étrangères.

Pour mettre en œuvre cette approche globale, je pense en priorité à l’Afrique centrale et le Sahel où les différents Départements concernés doivent agir de concert.

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Pour assumer tous ces défis – et ils sont nombreux – j’ai besoin de pouvoir compter sur des femmes et des hommes efficaces, enthousiastes, qui s’épanouissent certainement dans un travail valorisant.

La pandémie a changé notre manière de travailler.

Les Affaires étrangères ont démontré qu’elles étaient à même d’assurer la continuité et le suivi des dossiers dans ces circonstances exceptionnelles.

L’une de mes priorités sera de continuer à moderniser ce Département et le réseau des postes belges afin qu’ils s’adaptent au mieux aux grands bouleversements de notre siècle.

Je veux aussi pouvoir compter sur une diplomatie plus équilibrée et non discriminante dans tous ses aspects, que ce soit le genre, les origines, le handicap ou l’orientation sexuelle.

Je vous avais dit précédemment à quel point l’égalité des genres serait un topic transversal dans l’approche des Affaires étrangères, il faut aussi pouvoir commencer par nous.

 

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Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Ce que la Belgique n’a pas en termes d’envergure en tous cas physique par rapport à des puissances mondiales comme les États-Unis ou la Chine, elle le compense largement par son expertise internationale, son sens aigu du dialogue, son pragmatisme et son sens inné du compromis.

Ces qualités sont reconnues dans le monde entier. Et nous ferons tout pour qu’elles continuent de l’être.

La Belgique doit être un partenaire de confiance ; et pas seulement quand elle commerce.

Cette confiance, j’entends activement l’entretenir et la renforcer, sur base d’une vision réaliste – vous l’aurez compris -, cohérente et certainement volontaire.

C’est toute l’ambition que je porte avec ce gouvernement.

Je vous remercie.