Chaque mois, le Parlement européen se réunit en séance plénière pendant quatre jours à Strasbourg. Ces sessions sont les temps forts de la vie parlementaire. C’est dans la ville française qu’ont lieu les grands débats d’actualité et le vote final sur les textes législatifs. On peut considérer la séance plénière comme l’aboutissement du travail effectué à Bruxelles. L’idée de ce billet est de vous fournir un récapitulatif des faits marquants de la semaine, d’en expliquer le contexte, de les analyser et de vous informer des votes importants pendant cette session.

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Stop à la bureaucratie excessive ! (Omnibus I et surveillance des forêts européennes)

En juin 2024, le MR a obtenu un score historique aux élections européennes. Et nous avons été élus sur un engagement fondamental : mettre fin à la surcharge administrative et à la complexité européenne. Cette demande était particulièrement forte pendant la campagne électorale. En effet, s’il y a bien une chose qui dégrade systématiquement l’image de l’Europe auprès des citoyens, c’est cette tendance à imposer toujours plus de règles, parfois mal pensées, qui ne tiennent pas assez compte de la réalité du terrain. Est-ce que cela veut dire qu’il ne faut plus aucune norme ? Non. Nous ne voulons pas non plus d’une Europe totalement dérégulée, qui imposerait la loi du plus fort dans chaque pan de notre société. Mais nous sommes parfaitement conscients que chaque règle clarifiée, chaque loi simplifiée, chaque procédure facilitée redonne confiance dans le projet européen.

Cet appel à la simplification n’est visiblement pas arrivé jusqu’aux oreilles de certains collègues. Je regrette que le Parlement européen ait raté l’occasion de démontrer qu’il avait compris le message, mercredi, en rejetant le mandat adopté en commission JURI pour pouvoir négocier la mise en œuvre d’une partie des mesures de simplification « Omnibus I ». L’objectif de ces mesures est d’introduire des règles simplifiées de rapportage sur la durabilité des entreprises et un devoir de vigilance proportionné. Ces modifications ne remettent pas en cause le bien-fondé de ces législations mais elles allègent la charge administrative pour les entreprises (hausse du seuil d’application), protègent les plus petits partenaires commerciaux dans la chaîne de valeur ou encore restreignent davantage la possibilité de faire du gold plating au niveau national. Comme vous le voyez, cette approche se veut pragmatique ; en cherchant le juste équilibre entre le coût et la charge administrative pour les entreprises, d’une part, et la protection de notre planète, d’autre part. Vu les expressions des uns et des autres, même si le scrutin fut à bulletin secret, il y a peu de doute sur le fait qu’une large partie de la gauche, main dans la main avec l’extrême-droite, ait fait capoter le projet. Je le déplore car c’est le signe que les citoyens et les entreprises en Europe risquent d’être pris en étau entre deux blocs. Les plus à gauche, puristes, ne veulent pas de politiques environnementales en phase avec la réalité du terrain. Les plus à droite, climatosceptiques, veulent déréguler pour le plaisir de déréguler. Nous ne sommes ni l’un ni l’autre.

C’est d’ailleurs pour cette raison et au nom de notre ligne pragmatique que nous souhaitions renvoyer en commission le texte sur la surveillance des forêts européennes. Le MR défend la protection de nos forêts. La loi proposée par la Commission européenne poursuit d’ailleurs un objectif noble : un meilleur suivi de l’état des forêts dans l’ensemble de l’Union afin de mieux les protéger contre certaines menaces, comme les incendies. Mais, comme le veut l’adage, « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Le texte, en l’état, aurait engendré une série d’incohérences : doublons administratifs, collecte de données déjà fournies, demandes techniques supplémentaires, chevauchements avec les dispositifs déjà existants… Et on sait très bien que ces incohérences finissent toujours par devenir une nouvelle couche de bureaucratie, pour les acteurs concernés. Nous voulons en finir avec la méthode de travail de l’ancienne législature du « Green Deal » où l’on voulait aller trop vite pour faire adopter des textes pour, quelques mois plus tard, être obligé de faire voter des lois correctrices « Omnibus ». Fidèles à cette ligne, reprendre le travail parlementaire était indispensable pour nous.

Se soucier du climat et de notre environnement est fondamental. J’en veux pour preuve notre soutien à la résolution fixant les priorités pour la COP30 de Belém (Brésil) en novembre. Mais il faut le faire intelligemment. Protéger la planète, ce n’est pas produire des formulaires. Il faut écouter le terrain. Il faut éviter les pièges qui minent la confiance et l’adhésion des citoyens. Il faut éviter les mesures mal calibrées ou déraisonnables, qui aboutissent à des fermetures d’entreprises, des destructions d’emplois ou une flambée des prix. Une lutte contre le dérèglement climatique efficace est faite d’objectifs ambitieux mais a besoin aussi d’une large adhésion des citoyens. En effet, sa réussite sera collective ou elle ne sera pas. Et c’est bien dans ce sens que nous continuerons à travailler.

 

Le scandale des espions hongrois

Le 9 octobre, plusieurs médias dont le quotidien belge De Tijd ont publié les résultats sidérants de leur investigation : entre 2012 et 2018, la Hongrie aurait tissé tout un réseau d’espionnage à Bruxelles, visant les institutions européennes depuis sa Représentation permanente. Les faits révélés dans la presse sont d’une gravité extrême : des agents auraient agi, sous couverture diplomatique, pour tenter de corrompre des fonctionnaires dans le but, par exemple, d’obtenir des informations sensibles ou d’influencer certaines décisions internes. Ces faits, s’ils sont confirmés, représentent un risque majeur pour la sécurité des Européens si les orientations de la Commission ont été influencées dans l’intérêt d’un seul État membre ou si les « espions » ont eu accès à des documents ultrasensibles de nature sécuritaire ou géostratégique. Ce n’est d’ailleurs pas le seul scandale qui éclabousse la Hongrie cette année puisqu’en janvier, déjà, nous apprenions que des employés de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) avaient été mis sur écoute et pris en filature à la même époque par des agents hongrois, alors que l’institution enquêtait sur des dossiers sensibles concernant ce même pays. À l’époque, j’en appelais déjà à une réaction ferme alors que ces derniers faits s’ajoutaient à la longue liste d’écueils pouvant motiver une accélération de la procédure de l’article 7 (TUE) à l’encontre de la Hongrie. Aujourd’hui, il est de plus en plus évident que le pouvoir hongrois agit comme un agent étranger, bafouant tout principe de loyauté et solidarité européenne. On sait le Premier ministre Orbán être un admirateur du Président russe Vladimir Poutine dont il a largement adopté la vision politique dite « illibérale ». Désormais, il semblerait qu’il en ait également adopté les méthodes.

 

Que fait la Commission européenne après de telles révélations ? On sait très peu de choses. Une enquête interne aurait été lancée. C’est tout ce que l’on sait. Personne ne peut dire non plus si des précautions ont été prises ou si des dispositifs ont été mis en place ces dernières semaines. Le Commissaire Piotr Serafin qui répondait à nos questions en plénière n’a pas pu apporter d’explications substantielles, même si nous sommes nombreux à avoir senti une pointe d’indignation et de détermination derrière l’impossibilité de trahir la confidentialité de l’enquête en cours. Il n’empêche : le Commissaire hongrois, Ólivér Várhelyi, aurait dû être suspendu, au moins le temps de faire toute la lumière sur cette affaire. Ce geste salutaire me semble indispensable vu que M. Várhelyi était justement à la tête de la Représentation permanente hongroise à l’époque des faits. Si cela ne le condamne pas automatiquement, il est absolument impossible, ne fut-ce que pour le bon travail de la Commission européenne et surtout sa réputation, de faire comme si de rien n’était.

 

Nous sommes plusieurs à craindre que la Commission européenne ne prenne pas pleinement ses responsabilités. Dès lors, j’estime que c’est au Parlement européen de le faire. Après tout, le rôle d’un parlement est aussi de contrôler l’exécutif. Avec Renew Europe, nous sommes prêts à soutenir la création immédiate d’une commission d’enquête sur le sujet. D’autres options, moins directes et moins efficaces, pourraient aussi être activées au départ de commissions existantes. Peu importe le moyen, l’essentiel est qu’il permette d’obtenir des réponses claires, en toute transparence et, surtout (!), que ces actions ne restent pas sans conséquence… Que ce soit pour les auteurs comme pour les mesures de sécurité de nos institutions. Et soucieuse de l’intégrité de notre Parlement, je suivrai aussi ce dossier de près en interne, à la fois comme parlementaire et Vice-présidente.

 

L’État de droit fragilisé en Bulgarie ?

En tant que Présidente du DRFMG, j’ai participé au débat organisé en plénière par mon groupe politique sur l’État de droit en Bulgarie. Cet été déjà, lors de la remise de son rapport annuel sur l’État de droit dans l’UE, la Commission avait relevé plusieurs développements inquiétants en Bulgarie, notamment au regard de l’indépendance de la justice. Or, cette indépendance reste un pilier de notre modèle démocratique. En effet, puisque l’État de droit cherche à garantir l’égalité de tous les citoyens,  dirigeants compris, devant la loi, la justice doit pouvoir agir sans subir de pressions politiques. Au contraire, elle peut même intervenir comme contrepoids face aux excès des deux autres pouvoirs, l’exécutif et le législatif.

La crainte d’une justice bulgare instrumentalisée s’est illustrée dans une affaire très concrète le 8 juillet dernier. Blagomir Kotsev, maire de la ville de Varna et membre d’un parti d’opposition, a été arrêté de manière spectaculaire, en direct à la télévision. Accusé de corruption, un des témoins-clés à l’origine de son arrestation a avoué plus tard que son témoignage avait été forcé. Le maire est aujourd’hui toujours en détention provisoire et beaucoup de voix estiment que ce refus de le libérer, au vu du dossier, est disproportionné. Évidemment, l’intention ici n’est pas de s’exprimer sur l’affaire en tant que telle. Mais il va sans dire que, comme tout justiciable, M. Kotsev a des droits : le droit à la justice, à l’égalité devant la loi ou encore à un procès équitable, pour ne citer que ceux-là. Le besoin de devoir rappeler ces fondamentaux montre bien l’inquiétude autour de ce qui se passe en Bulgarie actuellement.

Heureusement, le Parlement européen a mis sur pied le DRFMG. Le mandat de ce groupe de travail lui permet d’organiser des missions pour constater la situation, sur le terrain. Il s’agit de missions d’observation et de vérification des faits. Certaines réalités sont difficiles à percevoir uniquement à travers des rapports et tous les acteurs concernés n’ont pas la possibilité de se rendre à Bruxelles pour être auditionnés. C’est pour cela que ces missions sont importantes. Lors du débat en plénière, j’ai réitéré ma volonté de monter cette mission du DRFMG dans les plus brefs délais, malgré les obstacles posés par certains groupes politiques. Ce que je regrette fortement car les enjeux, ici, dépassent largement les considérations partisanes. C’est d’abord une question de démocratie et du respect de nos valeurs communes.

 

Du nouveau dans votre quotidien : le permis de conduire numérique

Une preuve supplémentaire que l’Europe a un impact dans votre vie de tous les jours : nous avons approuvé la mise en place d’un permis de conduire numérique d’ici 2030, plus moderne et plus pratique (même s’il sera toujours possible de demander sa version physique). Mais ce qui me tient à cœur particulièrement, dans ce dossier, c’est l’obligation pour les États-membres de s’informer mutuellement et immédiatement des infractions routières graves commises sur leur territoire, ainsi que des déchéances du droit de conduire. L’objectif ? Empêcher que des chauffards circulent impunément dans d’autres pays européens vu le danger qu’ils représentent. Ce point essentiel fait écho à la proposition de loi que j’ai déposée en 2023 à la Chambre des Représentants, visant à garantir le retrait de permis pour les auteurs d’accidents graves jusqu’à leur procès.

 

Plus d’informations sur le site du Parlement européen.