Les membres de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) se sont rendus à Bratislava les 2 et 3 juin afin d’examiner la situation actuelle de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux en Slovaquie.
Le Groupe de suivi sur la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux (DRFMG), rattaché à la commission LIBE, a effectué une mission en Slovaquie afin d’évaluer le respect des principes démocratiques et de l’état de droit. Cette visite s’inscrivait dans le prolongement du dernier rapport de la Commission européenne sur l’état de droit, publié en juillet 2024, et dans le cadre des travaux en cours au sein du Parlement européen.
Au cours de ces deux jours de mission, la délégation a rencontré une vingtaine de représentants des autorités slovaques et d’acteurs de la société civile, dont le Premier ministre Robert Fico, les ministres de la Justice et de la Culture, des membres du Conseil national, des hauts responsables du pouvoir judiciaire, le Médiateur de la République, ainsi que des représentants des médias, d’ONG et des défenseurs des droits humains, de la démocratie et de la lutte contre les discriminations. La délégation a salué la tenue respectueuse des échanges, bien que les évaluations globales de la situation aient parfois divergé. La délégation était composée de :
- Javier Zarzalejos (PPE, Espagne) – Président de la commission LIBE
- Sophie Wilmès (Renew, Belgique) – Présidente du DRFMG
- Daniel Freund (Verts/ALE, Allemagne)
- Milan Uhrík (ID, Slovaquie)
À l’issue de leur mission, les députés Zarzalejos, Wilmès et Freund ont publié la déclaration suivante :
« La Slovaquie a fait preuve de bonne volonté pour revenir sur certaines initiatives controversées, notamment la réduction des peines pour des infractions liées à la corruption ou la prolongation du délai de prescription pour les violences sexuelles. Toutefois, le DRFMG estime que des progrès significatifs restent nécessaires.
Avec plus de 80 % des investissements publics en Slovaquie financés par l’Union européenne, l’UE joue un rôle direct et essentiel dans le développement économique du pays. Au-delà des infrastructures et du développement régional, ce soutien permet aux citoyens slovaques de lancer leurs propres projets, d’améliorer le bien-être au sein de leurs communautés et de bénéficier d’un niveau de vie plus élevé. L’Union ne constitue pas seulement une source de financement – elle représente un moteur essentiel qui offre des opportunités et participe à la prospérité pour le peuple slovaque.
L’un des principaux sujets d’inquiétude concerne l’impact de la réforme du code pénal, en particulier en ce qui concerne la lutte contre la corruption. La suppression du Bureau du procureur spécial pourrait gravement affaiblir les capacités institutionnelles de combattre efficacement la corruption. Le fait que les mises en accusation ont fortement baissé depuis la réorganisation du système en est peut-être un indicateur.
D’autres réformes engagées par le gouvernement mettent en péril les principes démocratiques en Slovaquie. Le DRFMG partage les préoccupations exprimées par plusieurs acteurs quant à l’usage répété de procédures législatives accélérées (urgences), qui marginalisent le rôle du pouvoir législatif. Les députés européens demandent une meilleure consultation des parties prenantes concernées et de la société civile, dans le cadre d’une procédure législative ordinaire, comme l’a également rappelé la Cour constitutionnelle à propos de la réforme du code pénal. Des préoccupations similaires ont été exprimées au sujet de la loi dite des « agents de l’étranger », qui risque de rendre les activités des ONG extrêmement contraignantes, voire impossibles à organisation. De sérieux doutes subsistent quant à la compatibilité de cette loi avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
La liberté des médias en Slovaquie demeure une question critique nécessitant une attention urgente. La décision du gouvernement de remplacer le radiodiffuseur public RTVS par une nouvelle entité, STVR, ainsi que les modifications apportées à la procédure de nomination de son directeur, soulèvent de sérieuses interrogations sur son indépendance face aux ingérences politiques et sa conformité avec la loi européenne sur la liberté des médias (EMFA), notamment en ce qui concerne les garanties d’autonomie éditoriale et de financement public durable. Plusieurs interlocuteurs ont d’ailleurs souligné la disparition progressive des émissions d’enquête journalistique et de débats politiques, qui jouent pourtant un rôle essentiel dans le maintien d’un débat public éclairé. Le climat général d’hostilité envers les journalistes favorise la désinformation, les campagnes de dénigrement, les enquêtes à motivation politique et le recours à des poursuites-bâillons (SLAPPs), créant un effet dissuasif qui menace la liberté de la presse et le débat démocratique. Il est particulièrement préoccupant de constater que ces dérives qui participent au climat d’hostilité sont relayées par des responsables politiques de haut niveau.
Le DRFMG souligne également les vives préoccupations à propos d’une volonté d’amender la Constitution, un projet présenté en janvier dernier, affirmant la primauté du droit slovaque sur le droit européen et international en matière de culture et d’éthique. Ces évolutions concernent directement les valeurs fondamentales consacrées à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne, que l’UE doit légitimement défendre – domaine relevant de la compétence de la commission LIBE. Dans l’exercice de ses compétences nationales en matière de droit de la famille, la Slovaquie doit respecter le droit européen et les droits fondamentaux, notamment la liberté de circulation, le principe de non-discrimination et le droit à la vie privée et familiale.
Le DRFMG fera rapport à la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen. Dans le même temps, il exprime sa volonté de poursuivre le dialogue avec les autorités slovaques. Le DRFMG consolidera ses conclusions et évaluera les mesures supplémentaires à envisager. »
Une conférence de presse s’est tenue mardi à 14h30. Elle est disponible à la demande sur le Centre multimédia du Parlement.